La diversité, certes. Mais encore faut-il que ça fonctionne. Faire le tour d’Irlande, ça veut dire quoi ? Cela veut dire qu’il y a deux équipes de 5 personnes qui font tourner le bateau en permanence, un bateau qui nécessite que chacune de ces 5 personnes donne toujours son maximum, tant pour des raisons de sécurité que de performance. La diversité est donc confrontée à la réalité du terrain : fonctionner sur une machine de course. On ne promène pas des seniors, des filles qui veulent bronzer ou des personnes handicapées. Non, définitivement pour Team Jolokia, la diversité, c’est que tout le monde travaille ensemble.
Ici, pas le choix. Alors que le bateau est fait pour des hommes taillés à la serpe, chaque quart est composé de deux femmes (non haltérophiles), d’un sénior et/ou d’une personne handicapée, etc (peu importe la répartition) qui vont tous ensemble, nuit et jour, faire avancer ce bateau surpuissant. La diversité est là, et est productive.
Le Tour d’Irlande permet de valider une deuxième phase de progression de l’équipage : l’autonomie dans la conduite en sécurité et la capacité à exploiter, de façon autonome, le bateau à sa vitesse moyenne. Viendra ensuite la troisième phase, la recherche du meilleur niveau de performance. Mais les facteurs seront nombreux pour arriver au très haut niveau, surtout dans un sport mécanique ou des logiques de matériel entrent également en jeu.
Pour rappel, la première phase était une phase d’apprentissage des bonnes conduites, des réflexes, des bases nécessaires lorsque l’on apprend la conduite d’un nouvel engin, lorsqu’on arrive sur un nouveau poste. Cette première phase était très encadrée, très directive, l’information venait du skipper et les équipiers faisaient leurs gammes.
Vient donc ensuite cette phase d’autonomie. Pourquoi ? Car chacun doit avoir conscience de son rôle et de sa valeur. Nous devons sortir des modèles « dominant-dominé » ou dit autrement des modèles « discriminant-discriminé ». La capacité de progression de chacun est énorme dès lors qu’on lui laisse la possibilité de s’exprimer. Bien sûr, il y a eu une première phase très encadrée, la sécurité du bateau en dépendait, et certains gestes ne s’inventent pas, ils s’apprennent. Mais ensuite? Comment développer la capacité d’analyse de ses équipes si on ne les laisse pas agir et chercher par elle-même? Comment développer la capacité à trouver des solutions dans son équipe si le skipper bloque toujours les décisions et refuse les solutions proposées par d’autres que lui ? Comment développer la confiance en soi, moteur essentiel de l’efficience, si, malgré des compétences acquises, il y a toujours un « plafond de verre », si l’on ne se sent pas responsabilisé et compétent ?
Voilà à quoi sert cette phase d’autonomie. Après celle-ci, toute l’équipe sera apte à progresser en intelligence, à s’approprier son travail. Chose absolument nécessaire quand on entre dans des logiques de haut niveau où l’engagement et l’envie sont essentielles, pour toujours accepter de progresser, quelles que soient les difficultés rencontrées, quelle que soit l’excellence visée, tous ensemble, par-delà les logiques discriminants discriminés, par-delà les logiques de domination ou d’exclusion.
Pierre Meisel, manager et skipper de Team Jolokia